CYCLONE AU GROENLAND

Posté : 29th juillet 2020 par H.B. dans L'Homme

Le 21 septembre 1926 à New York, l’avion « New York –Paris » brûle au décollage. Sur la côte Est, au-delà de Terre-Neuve , toute une flottille française de voiliers et chalutiers en action de pêche à la morue ne capte ni radiomessage ni télégramme. Ils sont dans les parages du passage du Sikorsky 35, dont la radio porte à 900 km. L’un des plus beaux voiliers s’appelait « Capitaine René Fonck », un autre « Capitaine Guynemer » en admiration des hommes de mer.

Le « Capitaine René Fonck » est est un trois-mâts construit en 1921, d’une jauge nette de 265 tonneaux. Son armateur est M. Louis FROMAL, de Saint-Malo. Il appartient à la catégorie « grande pêche ».
Il est parti en « parfait état de navigabilité ainsi qu’il résulte du P.V. de visite et doté d’un permis de navigation ».
Une campagne de pêche atlantique dure de 5 à 6 mois. Les morues sont ramenées et débarquées selon leur usage final : soit à La Rochelle-Pallice, soit à Bordeaux où le séchage est plus chaud. De Fécamp, partirent le 7 août, 46 voiliers ravitaillés par doris (embarcations de pêche à fond plat) et 23 chalutiers, qui pêchent par l’arrière.

A bord des doris embarquent 4 ou 5 marins, qui approchent des bancs, rament, pêchent et ramènent leurs prises au « Fonck », mais leur tâche est dangereuse. Ils sont sensibles aux vagues.
On n’entendra plus parler du « Fonck » avant 1932, un des plus beaux morutiers à voile sans moteur auxiliaire. La désastreuse campagne de pêche 1930 a éloigné les Français des bancs poissonneux de Terre-Neuve vers le Groenland. Le « Fonck » quitte Saint-Malo le 4 mai, par une « jolie brise », écrit son capitaine.

Morutier de Terre-Neuve

Trahi par un rocher

Le 4 juin, on mouille sur le plateau de Holstenborg : « Sonde à 80 m. Nous mettons en pêche tous les bans de Groenland, Fallas, Little Hellenfisk ». Le temps se gâte. On ne pêche plus qu’un jour sur deux. La mer est de plus en plus fortement agitée. Plusieurs rapports concordent : la tempête vire au cyclone. Alerte ! Une voie d’eau est repérée, une plaque de zinc du doublage a été arrachée, le pompage est mis en action. Le 20, la mer est démontée, on rembarque les doris désormais inutiles. Le capitaine écrit plusieurs fois : « Le bateau fatigue terriblement ». La coque grince sinistrement.

1,50m. d’eau en cale

C’est mauvais signe. On pompe jour et nuit par relais. Le 24, le sel de la cargaison monte aux pompes. Le 25, l’eau atteint 1,50 m dans la cale. Les pompes recrachent de l’eau salée et des étoupes. C’est un signe fatal. Le
« Fonck » peut désormais couler. Le patron réunit l’équipage qui délibère. On est d’accord pour cesser un combat épuisant et sans issue. Le « Fonck » est condamné à couler. La décision d’abandon est prise et consignée par tous les marins. A l’alentour, les S.O.S. sont perçus et le sauvetage s’organise. Le « Roger-Mado » arrive à la rescousse pour l’urgent, mais il ne peut nourrir autant d’hommes de plus.
Du renfort est appelé. transbordement réussi. Le « Fonck » disparaîtra à jamais. La cause d’accident admise est qu’il a navigué trop près des côtes et que son fond a talonné sur un haut rocher sournois.
La « Sainte-Jehanne d’Arc », le navire-hôpital aux lignes blanches qui accompagne les flottilles jusqu’à Saint-Pierre-et-Miquelon et retour, est sur le qui-vive. Un marin est décédé, un autre déraisonne. A terre, les messages
sont parvenus, tous les ports sont avisés, la presse maritime alerte les familles fin septembre.
La nouvelle est reprise par toute la presse de métropole et d’A.F.N. La foule des parents soulagés se presse sur les quais. D’un chalutier, un passager clandestin s’est échappé prestement à la vue des gendarmes…Début octobre, au bilan d’une dure campagne, il manque six bateaux à l’appel…

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