
Rien n’avait signalé en mars 1994 le centenaire de la naissance de René Fonck. Nulle part, nulle initiative. L’oubli semblait consommé, n’eût été une page d’un quotidien régional pour constater l’impensable, l’insondable ingratitude. A l’exception de la mémoire inébranlable des « Vieilles Tiges », dont le marbre restait à jamais gravé, le nom de l’As des as finissait par ne plus éveiller qu’un écho flou dans la jeune génération militaire de l’Air. De temps à autre, un vieux pilote allié ou adverse venait remuer en tête-à-tête ses souvenirs sur son tombeau à Saulcy-s/Mthe.
Le premier pavé dans la mare fut fortuit. Un livre de 322 p., une biographie et donc un événement. En effet, avant juin 2002, aucun historiographe de l’Air n’avait cru devoir se pencher sur le cas, alors que les écrits fragmentaires, d’origine civile ou militaire, partiels et partiaux abondaient. Aucune synthèse ne les reliait, pour la plupart, l’histoire s’arrêtait en 1953, avec des épisodes épars entre 1940 et 1944. De qui, de quoi les historiens les plus patentés avaient-ils peur ? Pareil paradoxe, pareil vide tentèrent Claude Perrin, de Nancy, ancien chef de service hospitalier, professeur de Faculté, diplômé de médecine aéronautique, pilote civil à ses heures et chroniqueur spontané de l’histoire de l’aviation lorraine. Plus qu’à d’autres, la relégation de René Fonck loin du paysage de la mémoire aéronautique était une injustice permanente inacceptable.
D’emblée, cette première « bio » reçut un accueil favorable. Elle enfonçait un coin dans l’amnésie. Aux uns, elle donna des remords, à d’autres, des idées. En tout cas, elle se révéla propice à une prise de conscience élargie. C’était le pied à l’étrier pour aller plus loin.
L’objectif du 50e anniversaire
Jeune maire issu en 2001, Mme Anne Delhoume était à la recherche d’un thème de notoriété pour la Commune. La réponse était au cimetière. A l’arrivée de 2003, cela se transforma en proposition communale de fédérer des bonnes volontés locales, non sans évaluer les risques soulevés par le réveil de l’Histoire. L’initiative fleurit et séduisit. De fait, une association de type 1901 se proposa d’aller à la recherche du temps perdu, dans un but précis : le 13 juin 2003, le 50e anniversaire de la mort de « L’Archange du Ciel ».
A partir d’une idée, le délai de réalisation était court. Le 6 février, la Commune informait de sa décision de commémorer cette date et de la nécessité de constituer un socle associatif. Chose faite le 10 où, autour du maire et de l’ancien maire, M. Robert Petot, quinze Salixiens prenaient le relais de l’initiative municipale pour jeter les bases d’une association, en définir les buts, cerner le contenu de la manifestation rêvée, prendre les contacts nécessaires pour y parvenir, notamment avec la famille Fonck, la hiérarchie de l’armée de l’Air, les autorités civiles et patriotiques de la région.
Saint-Dié ayant le privlège d’en posséder un en renom, Jean-Pierre Michel, on reconnut tout l’intérêt de solliciter le concours de l’association des « Peintres de l’Air », de monter une exposition sur la vie de René Fonck avec la concours de la Société Philomatique Vosgienne et du Musée Pierre-Noël, de Saint-Dié-des-Vosges. La section militaire du musée abritait une grande vitrine consacrée à René Fonck, dotée en 1964 par Mme Irène René Fonck, veuve de l’As des as. Le 50e anniversaire de la déclaration de la Grande Guerre était le prétexte pour le Conservateur Albert Ronsin et le Commandant Jean Weiss, de présenter une exposition, de publier une plaquette spéciale dédiée à René Fonck et d’inviter M. Edmond Fonck, son fils, à commenter la partie réservée à son Père.
Des concours multiples
D’une assemblée constitutive naquit le 18 février une association sans but lucratif, dont les statuts étaient déposés le 28. Son objet : « Recherche de tous documents sur René Fonck et activités culturelles (expositions, aménagement d’un site pour accueillir une exposition, rencontres autour de sa mémoire) ainsi que toutes autres manifestations en rapport ».
Le président en était M. Robert Prudent, officier de la Légion d’Honneur à titre militaire ; le comité comprenait 15 membres et M. Claude Perrin en acceptait la présidence d’honneur.
Sous la photo géante de René Fonck par Abel au mur de la salle du Conseil municipal, les réunions allaient se succéder à la recherche des aides extérieures et, fin mai, les concours des B.A. 102 de Dijon et 133 de Nancy-Ochey étaient assurés, ainsi que le Patrimoine de l’Air, le Conservatoire régional de l’Image de Lorraine à Nancy, le Musée de l’Escadrille des Cigognes à Dijon-Longvic, le Musée de l’Air et de l’Espace au Bourget, etc
L’association [1] prit le nom de « Mémoire de René Fonck » et, sorte d’onction baptismale inattendue, reçut l’appui du colonel Jean-Yves Tabourin, président du Comité franco-belge du Souvenir Guynemer. Juste retour des choses, à partir du moment où le Premier Chasseur de France ne manqua pas les rendez-vous du Souvenir de son prédécesseur.
Par H.B.
Notes :
[1] Siège social : Mairie 88 580 SAULCY-SUR-MEURTHE